L’OCTROI DE MER taxe OUTREMER

L’OCTROI DE MER, En Réforme Prochaine ?

 (en construction avril 2024)

Introduction :

Le régime de financement des Collectivités locales d’Outremer diffère du régime général français. En effet, c’est une taxe spécifique nommée Octroi de Mer qui constitue en grande partie le revenu des communes dans ces Régions et Départements Ultramarins. De quoi s’agit il exactement ? Quels sont les acteurs impliqués ? Quels sont ses caractéristiques ? Cette exception, pour quels bénéfices ? Pour qui ?

Voilà un ensemble de questions que nous nous proposons de répondre.

Le cadre historique et institutionnel :

Un objectif historique de financement par taxe sur le commerce.
Sa création remonte au XIIème siècle en France continentale.  Il s’agit de l’un des plus anciens systèmes d’imposition existant en France. Elle persiste en Outremer, en dépit de la suppression de son équivalent en France hexagonale (1943) ainsi que de la création de la taxe sur la valeur ajoutée, (TVA) en 1954. D’ailleurs, la TVA à la Réunion et dans les Outremers en général, est de 8,5 %, contre 16,3 % en France Hexagonale.

Du point de vue contemporain : C’est un régime de taxation spécifique aux Régions Ultrapériphériques Françaises (RUP françaises) au sein de l’Union Européennes. Adoptées par le Conseil de L’union Européenne en 1989,2004,2014,2021.

Les quatre décisions du Conseil de l’Union européenne relatives au régime de l’octroi de mer dans les régions ultrapériphériques françaises, adoptées en 1989, 2004, 2014 et 2021, visent à préserver leur intégration au marché européen, tout en prévoyant des adaptations propres à ces régions, telles que définies dans le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (article 349). Cet objectif de protection fait l’objet d’une formulation précise par le Conseil de l’Union européenne pour le concilier avec le principe de libre circulation des marchandises. L’objectif exposé est en effet, non de maintenir une barrière tarifaire à visée protectionniste, mais de « renforcer l’industrie locale en améliorant sa compétitivité », en s’insérant « dans la stratégie de développement économique et social des régions ultrapériphériques concernées, en tenant compte du cadre de l’Union », et « sans altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun ».

Sa portée géographique : Les Départements d’Outremers : La Martinique en 1825, La Guadeloupe en 1825, La Réunion en 1850 ; La Guyanne en 1878, Mayotte en 2014.

Ses recettes :

Elle est collecté par le service des douanes.

Total de 1644 Millions d’Euros en 2022 (462 Millions d’Euros en 1998)

Réunion : 552 Millions soit 640 € par habitant

Guadeloupe : 373 Millions soit 970 € par habitant

Martinique : 346 Millions soit 949 € par habitant

Mayotte : 133 Millions soit 520 € par habitant

Guyanne : 240 Millions soit 853 € par habitant

Modalités de sa collectes :

Elle est récoltée par le service des Douanes, donc par l’Etat. Cette recette des douanes de 1,6 Milliards d’€ est un pourcentage faible des recettes totales des douanes Outremers qui représentent 73,5 Milliard d’€ en 2021. Elle est prélevée sur le compte des déclarants en douane, notamment les transitaires.

La complexité de sa collecte : Les produits susceptible de généré de l’Octroi de Mer ou en gros, d’être taxé sont diverses et variés;

Les facteurs de diversités : le type de produits, prêt de 15000 et pas les mêmes d’un territoire à l’autre. Les taux appliqués , au nombre de 7 à 16 suivant les Régions,  qui varient de 0 à 60 % pour l’Octroi de Mer Externe qui représente 90 % des recettes. L’analyse des listes figurant en annexe des décisions européennes successives témoigne de la complexité du processus. L’ensemble donne l’aspect d’une construction personnalisé, produit par produit. De plus, incompréhensible et inaccessible pour les citoyens et contribuables ou des entités économiques non familières de cette taxe.

Les ressources de l’Octroi de Mer, restent assises en quasi-totalité sur la taxation de biens importés (Octroi de Mer externe), pour partie non substituables avec des biens produits localement, ou correspondant à une offre locale limitée.

Il existe 4 types de taxes Octroi de Mer en réalité :

L’Octroi de Mer Interne OMI : S’applique sur les biens locaux de manière personnalisé. 53,7 Millions en 2022. 3.6 % du volume globale avec des disparités, 1.4 % à la Réunion du volume globale. C’est une orientation politique de non taxation des activités locales, avec une assiette élevée, 550000 € de Chiffre d’Affaire. Ainsi, à La Réunion, le principe suivi est celui de la non taxation de la production locale (0 % pour près de 90 % des valeurs produites localement) en vue de « favoriser la consommation de produits locaux et de soutenir le pouvoir d’achat des Réunionnais » Dixit la Région 2024.

Le volume des entreprises touchées, représente moins de 1 % en moyenne de l’ensemble des entreprises des départements et régions d’outre-mer. Sur 113 124 entreprises recensées en moyenne sur la période 2018-2021, seules 19 385 (17 %) dépassaient le seuil d’assujettissement de 550 000 € de chiffre d’affaires, et seules 982 étaient effectivement redevables de la taxe (0,89 %).

L’Octroi de Mer Régional Interne (OMRI) : 1 %

L’Octroi de Mer Externe (OME) : S’applique sur les biens importés de manières personnalisé. 70 % des recettes.

L’Octroi de Mer Régional Externe (OMRE) : Un quart de la totalité, 25 %, 410 Millions d’€ en 2022.

L’OME et l’OMRE sont deux taxes qui se cumulent sur le coût des produits importés, respectivement 4 % + 2.5 % soit 6,5 % au total.

L’État et les services publics ne sont pas exonérés de l’octroi de mer. Pour illustrer, nous pouvons prendre l’exemple des hôpitaux en fournitures et produits médicamenteux soumis à l’Octroi de Mer.

Mode de gouvernance de cette Taxe Octroi de Mer :

L’Etat assure la collecte, le recouvrement et le versement de la Taxe

Régions, Départements et Collectivités unique d’Outremer : Décident de la stratégie territoriale. Elles Fixent les taux par produits et accordent les exonérations facultatives. Déterminent les modalités de répartitions entre communes (en concertation avec les communes). Perçoivent l’Octroi de Mer dit Régional.

les communes, non acteurs, perçoivent leurs parts.

Redistribution des recettes de l’Octroi de Mer :

A qui sont elle affectées :

Elle est redistribuées à 75,8 %, aux communes sous forme d’une Dotation Globale Garantie basée à chaque fois sur l’année n-1. Avec une possibilité que l’excès par rapport à l’année n-1 est affecté à un Fond Régionale pour le Développement et l’Emploi (FRDE). Il faut cependant signaler que chaque territoire a ses modalités de calcul de l’Octroi de mer revenant aux communes, et qu’il appartient aux Régions de proposer à l’Etat leurs modalités, qui seront proposés à l’UE.

Le reste va aux Régions  soit 24,2 %.

L’Octroi de Mer, au sens de la dotation globale garantie DGG, représente un montant significatif des recettes de fonctionnement pour les collectivités territoriales qui en sont attributaires. Il est la première ressource fiscale pour les plus petites communes et la deuxième après la taxe sur les carburants pour les deux régions, les deux collectivités territoriales uniques et le Département de Mayotte.

Pour la Région Réunion : Sur un budget annuel de 624 Millions d’euros, Les recettes de l’Octroi de Mer représente 136.5 Millions soit 22 %. 33 % en Guadeloupe, 11.9 % en Guyane, 8,8 % à Mayotte et en Martinique.

Pour les communes des Outremers, hors Mayotte et Guyane, leurs budgets par habitants construits avec l’Octroi de Mer vont de 1336 à 1808 € par habitant. Moyenne hexagonale 1338 € par habitant. Mayotte 776 € par habitant. Sans l’octroi de mer, leurs recettes se situeraient entre 86 et 88 % du niveau de celles des communes de l’hexagone pour la Réunion, La Martinique et la Guadeloupe, et les communes mahoraises et guyanaise se situeraient respectivement à 38 et 65 %. C’est dire la faiblesse des bases d’impositions fiscales plus « classiques » dans les départements et régions d’outre-mer. En fait l’Octroi de mer vient compenser plus ou moins efficacement une rupture d’Egalité entre les Régions Hexagonales et les Régions d’Outremers dans le système fiscal classique permettant d’alimenter les collectivités.

A quoi sont affecté ces recettes :

En grande partie au budget de fonctionnement des collectivités et communes des Outremers, notamment pour les charges du personnels : 60 à 70 % dans les Outremers contre 50 à 60 % dans l’Hexagone. Le montant de dépense des communes par habitant est de 1126 €  dont 603 € de frais de personnel en France hexagonale. Dans les Outremers, hormis Mayotte, il est de 1250/763 € en Guyane à 1631/1106 € en Martinique, en passant par 1377/893 € pour la Réunion et 1569/1071 € pour la Guadeloupe. Mayotte est à 721/462€. Bien au dessous de la moyenne national, même avec l’Octroi de Mer.

Les recettes du Fond Régional pour le Développement et l’Emploi sont en 2022 de 71,72 Millions d’Euros. Peu impactant en réalité.

Comment est elle vécue par les territoires ?

Elle est perçue par les élus et dirigeants du territoire, comme incarnant, à côté d’autres dispositifs, le principe de libre administration et d’autonomie financière des collectivités locales. Les élus sont unanimes, on ne doit pas y toucher ! Pas de suppression, même pas de réforme ou si peu.

Elle est perçu, par la population, comme participant à la cherté de la vie. Beaucoup sont pour sa suppression.

En effet, les finalités principales et explicites du dispositif (financement des collectivités locales, protection des entreprises) ont longtemps relégué au second plan ses effets, pourtant négatifs, celle de surenchérir les prix des produits importés, qui sont malheureusement dilués, malaisément mesurables et peu traçables pour les consommateurs finaux, et même pour les organismes de contrôles affectés.

Nombre de rapports confirment cette inflation du à l’Octroi de Mer.

Octroi de Mer et réforme ?

En 2017 : 518 Millions d’euros collecté par la TVA et 425 Millions d’euros collectés au titre de l’Octroi de Mer. Notons que la TVA dans les DROM est de 8.5 % en moyenne contre 20 % en France Hexagonale. Donc 518 Millions représentent un volume financier de biens touchés de 6094 Millions d’Euros. S’ils étaient taxés à 18.5 %, le volume financier collecté serait alors de 1127 Millions d’Euros ! Au total, en imaginant une suppression de l’Octroi de Mer et un alignement sur le taux national.

Néanmoins, cela pourrait entrainer un appel vers les produits importés, disent certains, et par conséquent, mettre en difficultés les entreprises de production local, concurrencés, et donc in fine, entrainé une perte d’activité, une augmentation du chômage. Et d’autres disent que ces mêmes entreprises locales, qui pour la plupart sont déjà exonérés d’Octroi de Mer sur leurs matières premières, verraient aussi les prix de leurs intrants non matières premières, telles que les machines outils, les camions et autres véhicules utilitaires etc … baissés. En toute honnêteté, il pourrait baisser leurs prix de vente et rester compétitifs. Donc maintenir au même niveau leurs activités, voir l’étendre grâce au gain de compétitivité à l’export.

De toute évidence, la baisse des prix favoriserait assurément les ménages les moins aisés, donc les plus pauvre, très nombreux dans nos territoires. En, à minima, conservant le pouvoir d’achat des autres, voir en l’augmentant, par une expansion sur le marché de l’export.

Cela demanderait assurément une analyse plus approfondi sur les produits touchés et leurs taux !

Ressource documentaire :

– L’octroi de mer – mars 2024 – Cour des comptes – www.ccomptes.fr – @Courdescomptes

– Anne-Marie Geourjon, Bernard Laporte, Impact économique de l’octroi de mer dans les départements d’outre-mer français, Ferdi, juin 2020.

– Sébastien Mathouraparsad, Réformes économiques et pauvreté monétaire en outre-mer : les apports d’un modèle EGC microsimulé, Revue économique, vol 67,